Comme le titre du film le laisse deviner, Antonio est beau. Il revient dans sa Sicile natale après un séjour à Rome, traînant dans son sillage un parfum de scandale : il aurait été l’amant de la femme d’un homme influent. Toutes les femmes se retournent sur son passage et le convoitent, bien sûr il y a sa beauté, son allure, son élégance, mais Antonio a quelque chose de différent des autres, un charme mystérieux qui les fascine. Il faut dire que dans la très catholique et puritaine Italie, les hommes n’ont qu’une préoccupation, qu’un seul sujet de conversation, les femmes et ils consacrent toute leur énergie à les séduire car cette action fait d’eux des hommes au sens mâle du terme et exalte leur virilité symbole de leur identité.
Les parents d’Antonio illustrent parfaitement cette contradiction, sa très sainte mère, cloitrée dans son appartement consacre sa vie aux bondieuseries pendant que le père, paillard et volubile, ne se gêne pas pour se vanter de ses coups de canif dans le contrat. Hypocrisie, le vice qui se cache sous la vertu. A la maison des épouses et des filles irréprochables, à l’extérieur des femmes faciles pour le plaisir de ces messieurs. Pour l’instant, ils n’ont qu’un souhait, marier leur fils au plus vite avec la fille du notaire, ce qui au passage arrangerait les affaires financières désastreuses du père, mais Antonio ne veut pas en entendre parler.
Son retour est l’événement qui occupent tous les esprits, celui des femmes mais aussi celui des hommes, avides de récits sur ses conquêtes féminines et les secrets des belles Romaines. Il est fêté, sollicité, entouré, invité. Ce qui les intrigue tous justement, c’est son peu d’empressement à raconter, à faire étalage de ces vantardises qui gonfleraient son orgueil de mâle et son apparent dédain pour les femmes alors qu’il n’a qu’à lever le petit doigt pour qu’elles se jettent à ses pieds.
C’est dans une de ces soirées typiquement masculine qui réunit tout ce que la ville compte de notables, où il ne fera pas plus de cas que ça des invites féminines explicites , tout en se moquant ouvertement d’un pauvre type soupçonné d’être impuissant, qu’il verra son visage pour la première fois, sur une photo oubliée, le visage d’un ange, celui de Barbara Pulitzi, la fille du notaire, celle que ses parents veulent lui faire épouser. C’est une révélation qui va changer sa vie, il tombe amoureux de ce visage de Madone, accepte tout, la rencontre avec la belle-famille, avec la jeune fille, sage conversation de salon dûment chaperonnée, le mariage arrangé par les parents de cet homme de trente ans avec passage chez le notaire, signature d’un contrat de mariage où chaque ligne est âprement discutée. Car pour ces riches familles, les filles sont une monnaie d’échange, un trésor à préserver qui permettra les unions fructueuses et l’accroissement de la fortune. Hypocrisie encore, là c’est la cupidité qui porte le masque de la vertu.
Antonio aime sincèrement sa femme. Le jeune couple s’installe à la campagne, c’est là qu’Antonio compte avouer à sa femme le lourd secret qui l’accable, qui fait de sa vie un enfer. Antonio n’a jamais pu avoir de relations physiques avec une femme qu’il aime, avec une prostituée, oui, avec une femme inconnue, oui, mais aimer une femme, la rend intouchable à son grand désespoir et sa grande honte dans cette Sicile où la virilité fait l’homme. Barbara, jeune et naïve, connait peu les choses de l’amour, elle croit aimer ce beau mari qui la comble de tendresse et d‘attentions, prend plaisir à ces chastes caresses et à dormir près de lui.
Ils semblent heureux jusquà ce que la famille Pulitzi, avertie du secret honteux par une servante fureteuse, intervienne. Ils veulent faire annuler le mariage. C’est qu’entre temps, une union autrement plus prestigieuse s’est profilée, un duc, prestige du titre et fortune beaucoup plus imposante. L’impuissance d’Antonio dont ils avaient été averti plusieurs mois auparavant, devient une bénédiction du ciel, un prétexte parfait pour rompre cette union finalement décevante et en accord avec l’Eglise. C’est elle d’ailleurs qui va régler le problème, cette Eglise si prompte à prêcher l’abstinence, qui fait du mariage un sacrement intouchable. Dans ce cas, elle ne voit aucun inconvénient à se mêler des secrets d’alcôve. L’oncle de Barbara étant évêque, il s’empare de l’affaire, chapitre sa nièce pour lui expliquer qu’elle vit dans le péché en persistant dans ce mariage, qu’elle doit accepter l’annulation et le remariage avec le duc.
Au désespoir d’Antonio de perdre sa femme qu’il adore, s’ajoute la honte de savoir son secret connu de tous, le déshonneur de sa famille si violent que son père en mourra.
Jusqu’à ce que…dernière pirouette du destin et consécration de l’hypocrisie, la petite bonne de la mère d’Antonio, cette petite jeune fille malingre et transparente, fasse un malaise. Il n’y a pas de doute, elle est enceinte mais de qui ? De monsieur Antonio avouera-t-elle dans un souffle, bien qu’il ait peu de chances d’être le père. Et cet évènement qui aurait pu la jeter dans l’opprobre, devient pour elle le début d’une nouvelle vie. L’aime-t-elle en secret, veut-elle le sauver, a-t-elle flairé l’opportunité de sortir de sa condition domestique ? Toujours est-il que la mère d’Antonio, qui en d’autres temps l’aurait chassée sur le champ, s’empresse de clamer la nouvelle, lavant l’honneur de son fils et celui de la famille. Alléluia, invitons les voisins, débouchons le champagne, la bonne attend un enfant et le fils de la maison est le père.
Et pendant que tous se réjouissent, c’est un triste et tendre regard qu’échange Antonio et la servante, promis au saint mariage pour y unir leurs malheurs. Quelle importance, pourvu que les apparences soient respectées !
Tourné en 1960, il a fallu un certain courage à Marcello Mastroianni pour accepter ce rôle que d’autres ont refusé, tant le sujet était sensible. Il a su parfaitement traduire cette souffrance intérieure, cette humiliation. Une magnifique interprétation pour un tableau féroce.
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