L’affaire est à peu près mineure, tout le monde en convient, mais intéressante. NKM et JF Copé ont ainsi saisi la justice après une image injurieuse postée sur twitter. Je passerai sur le cas dans le détail : l’auteur lui-même convient qu’il a dépassé quelques bornes dans un billet équilibré. NKM en a rajouté dans la victimisation, pour se légitimer de façon tellement insistante qu’on y sent un malaise, malgré tout.
Injures sur le réseau social Twitter, l’histoire
Que peut-on lire dans cette histoire ? Fallait-il aller en justice ? Est-ce la bonne manière de répondre ? Je suis confronté très souvent à ces questions dans mon travail. Et mes convictions sont assez fermes en la matière.
Il y a d’abord une asymétrie. D’un côté, nous avons des personnages publics. Ils ont l’habitude d’une règle du jeu médiatique, où l’on traite d’égal à égal, celle du droit de la presse.
Nombre limité, quelques affaires (hors débordements procéduraux). Quand on va sur le web, on se trouve confronté à une multitude anonyme, une audience, qui fait entendre sa voix de quelques proches, mais, ce faisant, se rend – parfois – visible de ceux qu’ils critiquent, combattent, insultent parfois (ou souvent, si l’on considère les commentaires des différents sites d’actu, ou les forums de discussion).
Il faut partir de cette asymétrie : un commentaire en ligne, un tweet, un statut facebook (même public) n’a rien à voir avec un article de presse. L’émetteur se vit dans une impossibilité d’échange horizontal avec la personne dont il parle, qu’il critique, qu’il insulte. Il est avec des proches, ou des anonymes perçus comme tels, à qui il partage un sentiment. Surtout, ces propos sont la plupart du temps sans aucune audience et impact. Dans le cas qui nous occupe, 466 personnes auraient vu l’image en question. La belle affaire, quand on sait qu’elle a été postée en réaction à une intervention de NKM et JF Copé devant des millions de téléspectateurs.
La verticalité du politique, par rapport à cette audience qui se révèle, est fondamentale : dans notre contrat d’expression à tous, en ligne, il y a cette notion de base que nous n’avons pas le même pouvoir, la même visibilité, la même égalité devant l’expression. Ce que nous faisons est invisible, par rapport à eux.
Cette asymétrie, il faut la comprendre. Il faut en tenir compte, dans la pondération de sa réaction.
Ensuite, il y a l’effet social. Les réseaux sociaux ne sont pas des media. Ils sont des espaces de vie et de sociabilité. Comme dans toute société, il y a des dérapages, des abus, des énervements. Tout le monde l’a vécu, sur un blog, un forum, facebook ou twitter. En près de dix ans d’expérience dans ce genre d’affaires, je n’ai jamais vu de situation qui ne se règle par le dialogue, sauf dans des cas de politiques extrémistes ou militants de nano-sphères incontrôlables. Quand on est injurié par quelqu’un dans un café, au fil d’une discussion, on commence par aller parler avec lui. On ne dégaine pas le tribunal sans même répondre ou interpeller.
Sortir la carte judiciaire sans coup férir, c’est rompre cette logique sociale.
C’est là que sort l’effet Streisand : l’asymétrie, conjuguée avec la dimension sociale de ces réseaux, entraîne inévitablement une réaction de corps. L’entourage de la personne incriminée fait corps avec elle face à une agression jugée exogène, abrupte sinon brutale. Qu’elle soit justifiée n’est presque pas le problème : on partage des tweets à longueur de journée, en discutant, s’émouvant ensemble, on s’émeut donc de ce fait exogène, ensemble, et on le fait par tweets supplémentaires.
La meilleure manière de prévenir ces cas ou de les traiter est d’entretenir une présence continue, égale, en participant à ces réseaux. Cela permet la mise en relation, et réduit l’asymétrie perçue. Dans notre cas, Jean-François Copé n’a jamais mis pied sur internet que pour en ressortir aussitôt : il n’a jamais voulu régler cette asymétrie. En revanche, NKM avait oeuvré depuis pas mal d’années à construire cette présence, ce dialogue, même parfois imaginaire. Briser cet échange possible par une procédure totalement exogène ne peut que braquer, et la replacer dans une position de domination lointaine.
Elle se comporte en personne ayant les moyens d’une procédure coûteuse pour quiconque oeuvre su ces réseaux, et que chacun n’oserait utiliser que dans des cas vraiment extrêmes.
Enfin, ce qui rend la mesure désagréable, c’est le choix de ce cas. Des injures sur NKM ou JF Copé, ily en a des dizaines ou des centaines de milliers sur le web, disséminées un peu partout, de forum en newgroup, de commentaire de blog en billet, d’article en statut. Cela n’est pas agréable, mais cela n’est pas soluble : il faut s’en accommoder, en constatant le statut de ces injures, qui ne sont que des bouts d’échanges sociaux, des signes de comportement. Quand elles sont graves, et d’un niveau gal à sa parle, il faut s’en saisir. Quand elles sont mineures et peu visibles, mieux vaut laisser couler.
Dans ce cas, on est à la frontière : NKM et JF Copé n’ont pas assigné un commentateur du figaro.fr, mais un blogueur opposant, qui critique depuis de nombreux mois l’oeuvre de l’UMP, avec des oeuvres parodiques et satyriques qui ont souvent eu beaucoup de succès en ligne. L’attaque est donc, outre son caractère exogène et asymétrique, prise comme une attaque politique. Si toto42, sur forum-jardinage.net, avait été convoqué pour les mêmes termes (je doute que JF Copé ne s’y risque), on n’aurait eu que les premiers motifs d’émoi (et personne n’en aurait parlé).
Nul ne conteste le bon droit de quiconque à ne pas être insulté. Reste que la stratégie adoptée n’est clairement pas la bonne : quand on est insulté dans un espace social, on discute, on répond, on tente la conciliation, on fait intervenir un tiers, et après, on sort l’avocat. Quand on commence par ça, on se place de facto.
Les politiques, comme les entreprises, n’ont de cesse de se rapprocher de leurs publics. Se rapprocher, c’est jouer un certain jeu de l’horizontalité. Cela suppose la symétrie des moyens, et a participation sociale (sauf à l’inacceptable, ou au non soluble, après essai). Ceux qui ne le comprennent pas se placent de facto dans une position de distance, de supériorité et d’asymétrie, dont l’effet est la contestation, et une certaine violence des propos.
C’est un choix à opérer. A chaque personne publique de le faire, ou pas.
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